Lumière 13

Publié le par Robyne



Mais, malgré le contact de Raël, à peine eût-elle fermé les yeux que Junai repartit dans un rêve houleux. Toutefois son réveil fut différent. Elle n’hurla pas, ni ne reprit conscience essoufflée et courbatue. Elle se sentait calme, reposée. Et une irrésistible envie de se lever la gagna. Elle y céda sans hésiter et rejoignit la porte, qu’elle entrebâilla pour jeter un œil prudent dans le couloir sombre. Personne. Elle sortit donc de la chambre et les pierres froides sous ses pieds ne la firent frissonner qu’une demi seconde. Aucune lumière ne la guidait si ce n’étaient les faibles rayons de la lune qui filtraient des grandes fenêtres. Ses pas la guidèrent à la lourde porte en bois qui donnait sur la cour intérieure des quartiers de la Lumière. La jeune fille la poussa presque sans effort et sortit dans le froid mordant de la nuit. Comme lorsqu’elle avait quitté sa chambre, elle ne regretta qu’un instant de n’avoir qu’un pantalon de toile et un débardeur pour la protéger de la température hivernale, qu’elle savoura aussitôt cette pensée envolée. Elle se sentait étrangement euphorique. L’air était sec, le ciel couvert,  l’air qu’elle exhalait s’élevait en volutes. Une magnifique nuit d’hiver. Et ce fut toujours pieds nus qu’elle se glissa entre les hautes grilles qui protégeaient l’accès aux quartiers de la Lumière de leur subtile magie. Les rues de la grande ville qu’elle parcourut étaient vides, mais elle ne s’en soucia pas, un sourire rêveur se dessinant peu à peu sur ses lèvres. Le fleuve était tout près et elle alla s’accouder au garde-fou du pont qui l’enjambait, une lueur de ravissement dans les yeux. La brune contempla l’eau glaciale qui ondulait paresseusement sous elle et un nouveau besoin s’imposa à son esprit. Une fois de plus, elle ne prit même pas la peine d’y réfléchir et grimpa sur l’épais muret de pierre. Elle écarta les bras et ferma les yeux, levant son visage au sourire serein vers le ciel.
Un rire amusé chanta alors derrière elle et une voix délicieuse susurra :
- Tu es décidément trop facile à duper…
Junai reprit alors brusquement conscience et ce fut comme si elle s’était jetée dans les flots noirs. Le froid, l’angoisse et l’incrédulité la saisirent et l’assaillirent dans la même seconde.
- Que… ?, lâcha-t-elle, frissonnante.
Elle se retourna prudemment et son cœur manqua un battement en découvrant l’homme qui se tenait en face d’elle, appuyé négligemment sur le muret de l’autre côté de la chaussée.
- Bonsoir, Amour.
Le sourire d’Adam s’agrandit en voyant les yeux chocolat de l’ange chercher vainement une présence autre que la sienne.
- Qu’est-ce que je fais là ?, finit-elle par lancer, d’une voix moins assurée qu’elle ne le souhaitait.
- Tu ne devines pas… ?
- Ne joue pas avec moi !
Junai n’aimait pas cette situation. Pas du tout. Elle était mortelle, faible, et ne comprenait pas ce qu’elle faisait ici ni comment elle y était arrivée. Elle ne se souvenait pas de s’être réveillée, ni même d’avoir quitté son lit. Et comment se faisait-il que personne ne l’ait arrêtée au siège de la Lumière ?
- Je joue toujours avec toi, répliqua Adam, C’est mon passe-temps favori, ces derniers temps. Juste derrière mettre Gabriel dans tous ses états, ce qui découle forcément de mon second jeu préféré, en fait…
- Tu es ignoble…
- Je sais. Tu veux de l’aide ?, ajouta-t-il en la voyant se baisser pour descendre du muret.
Il s’avança, une main tendue vers la jeune fille.
- Merci, je peux encore me débrouiller toute seule !, cracha-t-elle.
Il s’arrêta, perdant son sourire, et l’ange glissa doucement sur la pierre jusqu’à ce que ses pieds touchent le sol. Elle regarda encore une fois autour d’elle, son souffle s’accélérant de tension.
- Etrange sensation, n’est-ce pas ?, lança le  Vampire en retrouvant son humeur joviale.
- Qu’est-ce que tu m’as fait ?
Le jeune homme inclina la tête sur le côté, plissant les yeux d’un air presqu’attendri.
- Tu es si faible que je peux t’appeler jusque dans les jupes des Archanges.
- … M’appeler… ? Tu… C’est toi qui…
- T’ai charmée ? Oui, Amour, c’est tout à fait ça.
Junai dut se retenir au muret. Elle était donc vulnérable à ce point ? Et lui… Quelle puissance gardait-il encore en réserve ? Elle se mit à trembler, de froid comme de peur. Il allait la tuer, elle en était persuadée.
- Tu veux finir le travail… ?, souffla-t-elle.
- Quoi ? Non… Non, bien sûr que non, de quoi parles-tu ?
Il fronça les sourcils, l’air de ne sincèrement pas comprendre ses paroles. Puis son visage s’éclaira.
- Ah ! Je vois ! Tu es encore fâchée pour ton ami, c’est ça ? Il s’en sorti ?
- Oui…
- Ah, je suis content pour lui !
L’ange resta interloquée.
- Tu… te rends compte de toute l’ironie de ta remarque, j’espère… ?
- De l’ironie ?… Oui, tu as raison, c’est peut-être incongru de ma part de me réjouir de la bonne santé d’un Gardien.
- … C’est pas vraiment ce que je voulais dire…
La jeune fille se sentait épuisée. Le froid mordait sa peau et ses lèvres bleuissaient à vue d’œil. Adam s’approcha d’elle et elle fit un pas en arrière, aussitôt bloquée par le muret. Le Vampire eût une moue déçue.
- Tu as encore plus peur de moi que la dernière fois.
- Je n’avais pas peur de toi la dernière fois.
Un coin de la bouche du jeune homme se souleva.
- Menteuse.
Il était tout près maintenant. Si près qu’en se penchant, il prit appui sur le muret, encadrant la brunette de ses bras. En cet instant, elle comprenait parfaitement pourquoi les mortels étaient incapables de résister aux Vampires. Sa seule présence à quelques centimètres d’elle lui faisait tourner la tête. Ce qui devait tout à fait l’amuser.
- Tu as froid ?, chuchota-t-il.
- Sans blague ?
- C’est gênant d’être mortelle, semble-t-il…
Il approcha son visage du sien, la scrutant de ses yeux plus sombres que la nuit. Le souffle de Junai se perdit.
- Tu as vieilli.
- … Quoi… ?
- Ta croissance s’est poursuivie. C’est étrange.
- Ah… ?
- Mais tu es toujours aussi petite.
- Tu trouves… ?
L’ange se secoua pour reprendre ses esprits, prit plusieurs longues inspirations, les yeux fermés, et ce fut d’une voix presqu’abattue qu’elle lui demanda :
- Ecoute, si tu ne comptes pas me mordre, éloigne-toi s’il te plaît.
Adam sourit et pencha la tête. Son haleine effleura le cou de la jeune fille, qui déglutit et trembla plus fort.
- Tu vois que tu as peur…, rit-il.
- Va-t-en…
- Pourquoi, ne sommes-nous pas bien ainsi… ?
- Je t’en supplie, va-t-en…
Le Vampire se figea. Puis il se redressa lentement et revint planter son regard dans le sien, brouillé de larmes. Le cœur qu’il n’avait pas se glaça.
- Tu m’as fait assez de mal, Adam… Laisse-moi tranquille…
Il resta  silencieux, la fixant sans ciller. Un flocon voleta entre eux et la neige se mit à tomber, parsemant la chevelure bleue et noire de l’ange de points blancs.
- Tu n’es plus drôle, Amour, finit-il par murmurer.
Une larme glissa sur la joue de la jeune fille.
- Je ne veux pas être drôle… Je veux récupérer mes pouvoirs. Je veux combattre les Ténèbres comme avant. Je ne veux plus être mortelle. Et je ne veux plus jamais avoir à te rencontrer…
Cette fois, Adam se redressa complètement, la libérant de la prison de ses bras.
- Je pourrais te tuer maintenant, dit-il d’une voix dure.
Plus aucune chaleur n’ourlait son regard et tout sourire avait disparu de ses lèvres.
- Eh bien fais-le, si tu en as envie, mais sinon laisse-moi en paix…
Junai tremblait de tout son corps. Ses idées n’étaient plus claires du tout. Elle n’avait conscience que de la brûlure du froid sur sa peau, dans sa gorge et ses poumons.
- Je veux te haïr…, souffla-t-elle, Pourquoi… ma colère… ?
Ses yeux se révulsèrent et ses jambes se dérobèrent sous elle. Adam la rattrapa et la souleva de terre sans effort.
- Junai ?, souffla-t-il.
Mais le corps glacé de l’ange pesait, inerte entre ses bras. Il cala la tête de la jeune fille contre son torse, raffermit sa prise sur elle et disparut.

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M
<br /> "- Junai ?, souffla-t-il."<br /> On sent bien l'inquiétude dans sa réplique.<br /> Alors comme ça, même Adam peut être surpris de quelque chose ?<br /> <br /> <br />
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R
<br /> Et vi, même Adam ^^<br /> Il va être beaucoup surpris par pas mal de choses dans cette histoire XD<br /> <br /> <br />
L
Oh, la comparaison avec _Dracula_ n'était pas une critique; au contraire, même, je visualisais très bien la scène. ;-)
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R
<br /> <br /> Je ne l'ai pas prise en tant que telle ;)<br /> <br /> <br /> <br />
L
Tt tt tt! Alors Adam, on casse son jouet? :-D En lisant le passage où Junai se lève de son lit et sort dans le froid dans un état second, ça m'a complètement rappelé une scène similaire dans _Dracula_. Sauf que j'imagine Adam plus sexy. ;-) Et dans son ensemble, j'adore ce chapitre. et j'ai encore plus hâte que d'habitude de lire la suite!<br /> <br /> (Si mes corrections ne te dérangent pas, en voici une petite: "C'est toi qui... / T'es charmée ?" -> "T'ai".)
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R
<br /> J'avoue, et de toutes façons, c'est bien normal à mon avis, que Dracula est une source 'inspiration ^^ En même temps, hein, c'est un peu le roman pionnier du genre ^^ J'adooooore aussi ce chapitre<br /> ! XD <br /> <br /> <br />