Lumière 5

Publié le par Robyne



- Yo, ma belle !
Junai se retourna et un sourire étira ses lèvres. Un grand jeune homme aux cheveux châtains coiffés en brosse s’avançait vers elle.
- Enosh !
Il la serra contre lui et ils poursuivirent le chemin de la jeune fille.
- Tu vas où, là ?
- A la bibliothèque.
- Toi ?
Elle lui lança un regard faussement courroucé.
- Oui, moi. Alors écrase, tu veux ?
- A vos ordres, Demoiselle. Qu’est-ce que tu vas faire là-bas ?
- Des recherches.
- Sur ?
- Un Vampire.
- Ah ? Le grand vilain Vampire qui t’a valu le déplacement de Monsieur l’Archange aux beaux yeux et milles groupies Gabriel…
- Tu es agaçant, Enosh…
- Bien, bien… Et quel est le doux nom de ce Vampire ?
- Adam.
Enosh stoppa net.
- T'es sûre de ça ?
- Oui, bien sûr. J’en ai même reparlé avec Gabriel hier. Pourquoi, tu sais quelque chose sur lui ?
- Que t’a dit l’Archange ?
- Que c’était une vieille connaissance à lui et il n’a rien voulu me dire de plus. Et toi, que peux-tu m’apprendre ?
- Rien de plus. Si ce n’est qu’on raconte qu’entre ces deux-là, il y a une rivalité millénaire.
- Tu en connais la cause ?
Il hocha la tête en signe de négation et posa une main sur son épaule :
- Bonne chance dans tes recherches !
Et il s’éloigna dans un grand éclat de rire. Elle soupira.
Enosh était son frère. Au même titre que les trois autres Anges Gardiens, mais avec lui, elle avait toujours eu un lien plus profond. Peut-être était-ce dû au fait qu’il était le plus jeune avant son arrivée. Dans son existence mortelle, il avait tout juste vingt-et-un an. Lorsque l’Archange Gabriel l’avait engagée et lâchée dans ses soldats de la Lumière, c’était Enosh qui l’avait prise sous son aile et éduquée aux principes et à la discipline des lumineux.
Junai poussa la porte de la bibliothèque et se dirigea directement vers les rayonnages qui concernaient les Vampires.
La Lumière avait depuis toujours gardé un œil scientifique sur l’Ombre. De nombreuses recherches, informations et témoignages étaient consignés dans la Grande Bibliothèque. Ils permettaient aux nouveaux lumineux de mieux comprendre leurs adversaires, ce qui, compte tenu du cruel manque d’expérience de certains, était loin d’être inutile.
Consultant rapidement les index, Junai sélectionna quelques ouvrages, qu’elle emporta sur une table, cachée par les étagères. Elle n’eût pas à chercher longtemps dans les pages du premier livre pour trouver des informations sur Adam. Il était écrit qu’on ne savait rien des circonstances de sa naissance ou de son âge, mais qu’il y avait de cela mille cinq cents ans, il avait orchestré l’assassinat du cercle des Premiers, les six Vampires qui régnaient sans partage sur les suceurs de sang. Il était ainsi passé à la tête de ces derniers, qui lui vouaient un respect sans bornes, doublé d’une crainte certaine. Il était en personne responsable de la mort d’une centaine d’anges et de deux Gardiens.
Junai allait poursuivre la lecture de cette liste macabre, mais une main aux ongles vernis de rouge et parfaitement manucurée retira le livre de sous ses yeux. Elle releva la tête alors que la blonde platine qui lui avait volé sa lecture lançait d’une voix criarde :
- Adam, le prince des Vampires ! Quelles sombres recherches tu fais là, « Amour » ! Pourquoi ce soudain engouement pour ce Vampire ?
La jeune femme fit claquer le livre en le refermant et le reposa sans aucune douceur sur la table.
- Tu n’as plus assez de l’Archange Gabriel à ensorceler… ?
Junai tira le livre à elle et lui lança un regard noir.
- Mêle-toi de tes affaires et fous-moi la paix, Hariel.
- Comment oses-tu parler ainsi à ta sœur, « Amour »… ?, fit une voix froide et traînante derrière elle.
S’empêchant de sursauter, Junai marmonna entre ses dents serrées :
- Qu’est-ce que vous me voulez ?
- Nous ?, fit Hariel en s’asseyant en face d’elle, Juste te gratifier de notre sublime compagnie.
La deuxième femme qui se tenait derrière la brune contourna la table pour s’asseoir à côté de l’autre.
C’était Melahel, un autre Gardien, comme elle et Hariel. Les deux blondes avaient pris Junai en grippe depuis que Gabriel était venu la chercher chez les mortels. Leur jalousie à son encontre lui valait une copieuse dose de mesquineries et de remarques acerbes quotidiennes.
Si Hariel et ses bruyants grands airs ne faisaient que l’agacer, Melahel, dont le ton doucereux ne s’élevait jamais, lui collait parfois des frissons dans le dos. Depuis qu’elles avaient appris que son prénom signifiait « Amour Pur » en japonais, elles l’avaient affublée de ce stupide surnom.
- Tu ne devrais pas t’intéresser à un tel personnage, « Amour », dit Melahel, C’est un Vampire très dangereux.
- Je sais très bien. Je l’ai rencontré hier, dans la nuit.
Melahel haussa les sourcils et Hariel s’écria :
- C’était donc ça ! Tous les Gardiens s’interrogeaient à ton sujet, Ezeckiel semblait tellement agité…
- On a cru que tu avais encore fait une bêtise…, susurra Melahel.
- Et pourquoi « encore »… ?, siffla Junai.
- On dit que c’est l’Archange Mickaël qui a veillé sur ta Récupération, ajouta la blonde sans prêter attention à sa remarque.
- Et pourquoi donc l’Archange Mickaël prendrait garde à toi, « Amour » ?, demanda Hariel.
- Qu’est-ce que j’en sais, moi ?
- Si vous désirez tous savoir, Gardiens, c’est Gabriel qui a demandé à ce cher Mickaël de s’acquitter de cette tâche pour lui.
Les trois Gardiens se tournèrent vers la voix masculine qui les avait interpellées. Un jeune homme dont les cheveux étaient rassemblés en dreadlocks les regardait, le visage rieur.
- Archange Raphaël, dirent-elles en se levant et en s’inclinant d’un même mouvement.
L’ Archange s’avança vers elles et tourna ses yeux bleu glacier vers les deux blondes.
- Melahel, Hariel, je souhaiterais parler à Junai en privé.
- Nous nous retirons, Archange.
Et les deux commères disparurent dans les rayonnages.
- Asseyons-nous, veux-tu ?
Posant le livre qu’il tenait à la main, Raphaël balaya du regard ceux que la jeune fille avait rassemblés, tandis qu’elle s’asseyait en face de lui.
- Elles te cherchent toujours des noises ?
Un peu surprise par la question autant que par sa formulation, Junai balbutia :
- Euh… oui… Plus ou moins… Mais c’est un problème que je peux régler seule, s’empressa-t-elle d’ajouter.
- Je n’en doute pas, répondit le jeune homme avec un sourire.
Il saisit un livre.
- Tu t’intéresses aux Vampires ?
- Un peu…
- Cesse tes recherches sur Adam, Junai. À jouer les curieuses, tu risques de t’attirer la colère de Gabriel.
- Gab… L’Archange Gabriel ? Mais pourquoi ?
- Adam et lui sont de vieux ennemis et mon frère déteste par-dessus tout qu’on vienne fouiner dans ses petites affaires.
Il reposa le livre et la regarda gravement.
- En particulier dans son passé.
Sa voix changea de ton.
- Tu ne chercheras plus à te renseigner sur Adam par quelque moyen que ce soit.
- A vos ordres, Archange.
- Je saurais, si tu me désobéis.
Les yeux glacés de Raphaël la transpercèrent et elle frissonna légèrement. Puis il reprit son air jovial et se leva en disant :
- Sur ce, passe une bonne journée et bon courage pour le taff de ce soir !
Il posa une main sur son épaule.
- Et te laisses pas faire par les deux vipères : à toi seule, tu es plus forte que les deux réunies.
Il sembla réfléchir.
- Quoique… C’est p’t’être ça, le blem…
Il éclata de rire.
- Allez, salut !
- Bonne journée, Archange.
Raphaël s’éloigna et disparut bientôt à son tour.
Le troisième Archange possédait ce qu'on appelait une personnalité à deux facettes très marquées. Il était tour à tour extra-jovial, blagueur et follement insouciant, ou bien il se montrait froid, implacable, voir totalement effrayant. En cela, il ressemblait à Gabriel, son aîné. Les deux étaient frères de sang et ne prenaient aucune décision l’un sans l’autre. Raphaël était la personne en qui Gabriel avait le plus confiance, le seul à qui il pouvait confier sa propre vie avec la pleine assurance qu’il ne le laisserait jamais tomber, à moins de mourir lui-même.
Ça, Junai l’avait entendu de la bouche de Gabriel en personne. Et c’était la seule véritable relation affective qu’elle lui connaissait.
Soupirant, elle appuya son menton au creux de sa main et regarda les livres qui s’étalaient devant elle d’un air morose. Toute cette histoire était bien trop étrange.
Se levant, elle rassembla les ouvrages en une seule pile et les porta au dépôt, sur la table duquel elle les laissa rageusement tomber.
C’était ce genre d’ordres incompréhensibles qui l’agaçaient au plus haut point.

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M
Raphaël, c'est pour l'instant mon préféré =)
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R
<br /> Je l'adooooooooooore aussi